Last year, I answered a number of questions from two journalists at Le Monde for an article on blonde hair. This is the full text of my answers:
1. D'où cette couleur vient-elle ?
La couleur des cheveux est déterminée principalement par un seul gène, MC1R, qui régule les proportions d'eumélanine (pigment brun-noir) et de phéomelanine (pigment jaune-rouge). Ce gène existe sous la forme de plusieurs allèles (du moins 7 chez les Européens) qui, en variant les proportions des deux pigments, produisent une gamme de couleurs, soit le noir, le brun, le roux et le blond.
2. Pourquoi s'est-elle localisée principalement en Europe ?
Les cheveux blonds s'inscrivent dans un ensemble de traits pigmentaires qui se retrouvent presque seulement chez les Européens, dont une gamme large de couleurs des cheveux, une gamme également large de couleurs des yeux, ainsi que le blanchissement maximal de la peau. Ces particularités européennes constituent une énigme, d'autant plus qu'elles ne proviennent pas d'une même cause génétique. La couleur des cheveux s'est diversifiée avec la multiplication des allèles du gène MC1R et la couleur des yeux avec la multiplication des allèles d'un autre gène, OCA2. Quant à la peau, elle s'est blanchie par l'entremise d'autres gènes encore, comme AIM1. Ces particularités ne partagent pas non plus une fonction commune, sauf le fait de colorer, visiblement, un aspect du corps humain, surtout le visage.
3. Quels ont été les mécanismes qui l'ont fait perdurer à certains endroits ?
Probablement la sélection sexuelle. C'est ce qui produit souvent les traits à couleurs vives, surtout les «polymorphismes de couleurs». Ces derniers se produisent à une intensité de sélection sexuelle très élevée, c'est-à-dire lorsqu'il faut choisir entre plusieurs candidats répondant déjà à tous les critères désirés. À ce moment-là, la valeur accrocheuse y devient déterminante. La sélection sexuelle y privilégie non seulement les couleurs vives mais aussi les couleurs rares qui sortent de l'ordinaire. Or, par le fait même de favoriser le succès reproducteur, une couleur rare se multipliera au sein de la population ; l'attirance sexuelle s'oriente alors vers les variantes moins fréquentes et plus accrocheuses. Ainsi s'installe un équilibre dynamique qui mène à une diversité de plus en plus grande. Cette préférence pour les couleurs de cheveux rares a été démontrée par le biologiste américain Thomas Thelen. Ce dernier avait préparé trois séries de diapos montrant des femmes attirantes : la première présentait 6 brunes; la deuxième 1 brune et 5 blondes; et la troisième 1 brune et 11 blondes. Il demandait ensuite à des hommes de choisir, pour chaque série, la femme qu'ils voudraient épouser. Résultat : plus la même brune était rare dans une série, plus ils la choisissaient
Chez les autres espèces, la sélection sexuelle vise surtout le mâle. Trop de mâles doivent se concurrencer entre eux pour peu de femelles, car ces dernières sont moins disponibles pour l'accouplement, étant accaparées par la grossesse ou les soins des petits. Mais cette «loi biologique» s'applique moins uniformément à homo sapiens, dont l'investissement paternel et les conditions démographiques varient énormément d'une population à l'autre. Ainsi, c'est parfois l'homme qui doit vaincre une concurrence acharnée pour trouver une femme, parfois l'inverse.
Avant l'agriculture, qui remonte à moins de 10 000 ans, les humains vivaient de la chasse et de la cueillette. Ce mode d'existence permet à la sélection sexuelle de s'intensifier en fonction de deux facteurs principaux : la surmortalité masculine et les coûts de la polygamie. Ces deux facteurs varient, à leur tour, en fonction de la latitude. À mesure qu'on s'éloigne de l'équateur, il y a moins de gibier par kilomètre carré et plus de territoire à parcourir, ce qui augmente la mortalité des hommes-chasseurs. Parallèlement, à mesure que la saison froide s'allonge, les femmes trouvent moins de nourriture à cueillir, de sorte que seuls les chasseurs très capables peuvent subvenir à une deuxième épouse. Donc, en s'éloignant de l'équateur, il y a non seulement moins d'hommes, mais aussi moins d'hommes polygames. Résultat : les femmes doivent rivaliser davantage pour trouver un homme, et cette concurrence atteint un maximum dans des environnements arctiques de type steppe-toundra, où presque toute la nourriture prend la forme de grands troupeaux migrateurs (ex. rennes). Ce type d'environnement maximise à la fois la surmortalité masculine (l'homme doit parcourir de grandes distances) et les coûts de la polygamie (l'autonomie alimentaire de la femme est réduite à zéro).
Aujourd'hui, la steppe-toundra n'occupe que les franges septentrionales de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord. Or, pendant la dernière époque glaciaire, elle couvrait les grandes plaines de l'Europe, ayant été déplacée vers le sud par la calotte glaciaire scandinave. À l'est de l'Oural, elle s'étendait trop vers le nord et vers l'intérieur aride pour permettre un peuplement important et continu, surtout lors de l'avancée maximale des glaciers. Si un tel peuplement était possible en Europe, c'était toutefois au prix d'une pénurie chronique d'hommes et d'une intensification sauvage de la sélection sexuelle à l'égard des femmes. Vraisemblablement, c'est cette intensification qui aurait peinturé et sculpté une bonne partie de la physionomie européenne, dont deux témoins seraient aujourd'hui la palette de couleurs capillaires et celle de couleurs oculaires.
Il reste à expliquer pourquoi le troisième témoin, la couleur de la peau, ne s'est pas diversifié. D'abord, ce trait pigmentaire se distingue des deux autres dans le sens que la préférence pour une couleur rare y aurait été opposée par une autre tendance de la sélection sexuelle : celle d'accentuer un dimorphisme sexuel existant. Car la peau masculine contient plus de mélanine et d'hémoglobine que la peau féminine ; autrement dit, les femmes paraissent plutôt pâles et les hommes bruns et rougeauds. La pâleur s'associe ainsi à la féminité et c'est peut-être pour cette raison que les cultures prémodernes tendent à la favoriser chez la femme, tendance qui aurait empêché la sélection sexuelle de créer un troisième polymorphisme de couleurs. Il y aurait eu tout simplement un blanchissement progressif de la peau. C'est effectivement ce qui s'est produit chez les Européens, et ce à un degré beaucoup plus marqué que chez les indigènes des mêmes latitudes en Asie et en Amérique du Nord.
4. Comment voyez-vous cette population évoluer à 200 ans ?
Je n'ai aucune idée là-dessus. Je ne suis pas prophète.
5. Pourquoi ce mythe risque-t-il de perdurer dans des sociétés sans "blonds et blondes" naturels ?
Par des moyens artificiels. On crée non seulement des blonds peroxydés mais aussi des cheveux pourpres et verts, des couleurs tout à fait novatrices dont le but demeure le même : accrocher, attirer l'attention.
6. Par ailleurs, avez-vous des chiffres statistiques ( nous avons vu certaines courbes qui vous sont attribuées) sur la proportion de blonds naturels dans le monde, et par grandes régions du monde.
Tout dépend de la définition de «blond». Certaines études incluent les cheveux châtains alors que d'autres sont moins généreuses. Chez les personnes de souche anglaise, la proportion semble tourner autour de 20-25%. Chez les Français, elle est moindre. En dehors de l'Europe, les blonds sont rares, mais on en constate de façon sporadique en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, ainsi que chez certains Aborigènes de l'Australie centrale et chez certains Inuit de l'Ouest de l'Arctique canadienne. Dans ces deux derniers cas, il s'agit peut-être des débuts d'une évolution par sélection sexuelle semblable à celle des Européens.
Reference
Belot, L. and V. Lorelle. 2007. Enquête. La fin des vraies blondes ? Le Monde, July 15, 2007
Je pense qu'il est intéressant de diffuser ces informations dans les médias mainstream.
ReplyDeletece que je cherchais, merci
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